Permis retiré hors du temps de travail: licenciement automatique?

Votre permis de conduire est indispensable pour votre travail? Sans lui vous ne pouvez plus exercer votre métier (chauffeur de bus, taxi, ambulancier, commercial, …)? Sans lui vous pouvez avoir de grandes difficultés à vous rendre sur votre lieu de travail? Si votre permis est retiré hors du temps de travail votre licenciement est-il automatique? En principe non, mais il existe une (grosse) exception…

La règle est claire. Un motif tiré de la vie professionnelle du salarié ne peut justifier un licenciement disciplinaire.

Dès lors, un salarié qui perd son permis en dehors de son temps de travail n’encourt pas de sanction.

Mais à tout principe son exception…

Si les fonctions du salarié exigent l’usage d’un véhicule et que la perte du permis a des répercussions sur le bon fonctionnement de l’entreprise, l’employeur pourra licencier son salarié.

Je vous donne ici les clés pour vous y retrouver.

Sur ce blog j’évoque aussi le cas du permis retiré durant le temps de travail.

Sommaire:

  1. Principe: permis retiré hors du temps de travail, pas de sanction possible
  2. Exception: le trouble objectif caractérisé au sein de l’entreprise
  3. Attention aux conventions collectives

1. Principe: permis retiré hors du temps de travail, pas de sanction possible

Si vous perdez (suspension, annulation judiciaire, invalidation par perte de tous les points, …) votre permis de conduire hors du temps de travail, le principe est le suivant: l’employeur ne peut pas se référer à des faits relevant de votre vie privée pour vous licencier.

En effet, hors du temps de travail vous n’êtes sous lien de subordination avec lui et donc pas dans le cadre de votre contrat de travail.

La Cour de cassation le rappelle régulièrement.

« Un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail ; que le fait pour un salarié qui utilise un véhicule dans l’exercice de ses fonctions de commettre, dans le cadre de sa vie personnelle, une infraction entraînant la suspension ou le retrait de son permis de conduire ne saurait être regardé comme une méconnaissance par l’intéressé de ses obligations découlant de son contrat de travail ».

Dans cette affaire le salarié avait vu son permis retiré hors du temps de travail. Et l’employeur l’avait licencié pour ce motif.

Les juges ont alors considéré que le licenciement pour motif disciplinaire était dépourvu de cause réelle et sérieuse. Car la perte du permis résultait de faits commis dans le cadre de la vie personnelle du salarié. Elle ne résultait pas d’un manquement du salarié aux obligations découlant de son contrat de travail (Cass. Soc. 3 mai 2011, n°09-67464).

Cette solution a été plusieurs fois réaffirmée depuis.

Les juges considèrent, à chaque fois, que dès lors que le permis est retiré en dehors du temps de travail le licenciement pour motif disciplinaire est sans cause réelle et sérieuse (Cass. Soc. 10 juillet 2013, n°12-16878; Cass. Soc. 5 février 2014, n°12-28897; Cass. Soc. 24 octobre 2018, n°17-16099).

Pas de licenciement pour motif disciplinaire donc.

Mais attention! L’employeur peut dans certains cas rompre le contrat de travail…

2. Exception: le trouble objectif caractérisé au sein de l’entreprise

Quand un salarié voit son permis retiré hors du temps de travail et que ses fonctions exigent l’usage d’un véhicule, l’employeur peut le licencier si cela a des répercussions sur le bon fonctionnement de l’entreprise.

Ce ne sera pas un licenciement pour motif disciplinaire. En effet, le salarié ne sera pas licencié pour faute (perte du permis hors du temps de travail). L’employeur le licenciera pour impossibilité d’exécuter sa prestation de travail. 

Les juges retiennent par exemple que la suspension du permis pour conduite en état alcoolique en dehors du temps de travail constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement dès lors qu’il est constaté que le permis était indispensable à l’exercice effectif de l’activité du salarié (Cass. Soc. 15 janvier 2014, n°12-22117).

De même, le licenciement est justifié quand la perte du permis en dehors du temps de travail a entraîné une réduction de l’activité du salarié et gêné le bon fonctionnement de l’entreprise (Cass. Soc. 27 juin 2001, n°99-44756). Dans cette affaire le salarié avait pourtant pris soin de se faire véhiculer par une tierce personne…

L’employeur devra donc, dans la lettre de licenciement, prendre soin de justifier du trouble causé à l’entreprise, du fait que le salarié ne puisse plus effectuer son activité professionnelle suite à la perte de son permis de conduire. Ce qui, pour un chauffeur-livreur par exemple, est relativement facile à démontrer.

A l’inverse, quand la suspension administrative du permis (4 mois) n’empêche pas le salarié de continuer à exercer son métier, le licenciement pour ce motif n’a pas de cause réelle et sérieuse (Cass. Soc. 15 avril 2016, n°15-12533). En l’occurrence, ce salarié était affecté sur un poste d’agent de service remplaçant mais effectuait aussi d’autres tâches qui ne nécessitaient pas la conduite d’un véhicule. L’employeur ne justifiant pas d’un trouble objectif au fonctionnement de l’entreprise ne pouvait donc valablement le licencier.

Idem pour un conducteur de travaux dont les fonctions n’impliquent pas d’avoir un permis valide (Cass. Soc. 18 janvier 2012, n°10-30677).

3. Attention aux conventions collectives

Certaines conventions collectives prévoient des dispositifs particuliers en cas de perte du permis de conduire par le salarié.

Ainsi celle des VRP prévoit que la suspension du permis n’est une cause réelle et sérieuse de licenciement que si l’employeur prouve qu’il subit un préjudice réel du fait de cette suspension.

Dans les transports routiers, un accord a prévu qu’en cas de perte du permis l’employeur doit engager une concertation pour trouver un reclassement à son salarié ou à défaut organiser une suspension du contrat de travail. Ce n’est qu’à défaut de reclassement ou de suspension du contrat de travail que l’employeur pourra procéder au licenciement du salarié.

En l’absence de dispositions particulières dans votre convention collective, il est conseillé aux employeurs de ne pas se précipiter à l’annonce de la perte du permis d’un salarié.

Il faut prendre le temps de la réflexion et s’interroger par exemple sur la durée de la suspension du permis et sur les alternatives qui peuvent être mises en oeuvre avant d’engager une procédure de licenciement.

Face à une suspension de courte durée, l’employeur pourra par exemple proposer à son salarié de suspendre son contrat de travail. Et d’en profiter soit pour repasser son permis soit pour effectuer un stage.

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